Ville de Arue – Tahiti

Le patrimoine communal

Inventaire des sites d’intérêt culturel présents dans le territoire de la ville de Arue.

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Les pétroglyphes

On trouve derrière le petit bâtiment de l’ancienne mairie de Arue, situé en face de l’école Ahutoru, trois grandes pierres gravées de 1,5 m de haut et espacées de 3 m.

Elles présentent des sillons anciens en spirales que le temps estompe et dont on ignore encore la provenance et la signification exactes.

Ces dessins pourraient être liés à la légende de Hiro.

Grand guerrier investi des pouvoirs des dieux, Hiro guettait à l’abri de grandes pierres l’arrivée d’un oiseau Nahiti-e-rua.

Ces oiseaux pouvaient se transformer en guerrier aussi puissant que Hiro, s’ils venaient à tomber dans la rivière Vainahiti, et celui que Hiro attendait avait volé les bijoux de sa fille. Redoutant l’affrontement qui pouvait découler de sa rencontre avec Nahiti-e-rua, Hiro demanda l’aide des dieux en dessinant des pétroglyphes invocateurs.

Le premier des deux pétroglyphes les plus importants représentait la source du pouvoir. Mais celle-ci n’étant pas suffisante, il fallait reprendre les incantations pour la deuxième source de pouvoir, la source universelle.

La légende dit que ces symboles eurent un réel pouvoir.

Ces pierres gardent leur force divine et on dit que seules les âmes au cœur pur, désignées par les dieux, ressentent leur mana.

Ces pétroglyphes ne peuvent malheureusement pas être datés. On sait seulement qu’ils ont été souvent repris dans les motifs de tatouages ou de peinture traditionnels.

Le dernier mystère qui entoure ces pierres va directement à la légende. Personne ne connaît, en effet, l’issue précise de la rencontre entre Hiro et Nahiti-e-rua. On sait simplement que les incantations de Hiro eurent l’oreille des dieux…

La rivière Vainahiti prend sa source, bien en amont, derrière ces pétroglyphes. Appelée également bain des oiseaux nahii, cette source est limitrophe d’une autre source, Vai’uramata (anciennement Vainaunau, l’eau du désir ou l’eau convoitée).

Il faut également savoir que la particularité des oiseaux Nahiti-e-rua était d’avoir deux têtes : l’une vivante et l’autre morte.

On trouve leur explication dans la légende de Nahiti-e-rua.

Arue s’appelait encore Papaoa et y vivaient le prêtre Atitifaioro, sa femme Ruataimanu et leur fille Mata’irua.

Un matin, alors qu’Atitifaioro priait au marae, sa fille y pénétra malgré le tabu qui interdit sa fréquentation par les profanes.

Pris de colère, le prêtre décida de sacrifier aussitôt son enfant au dieu du marae, s’en empara, la souleva de terre par les pieds et la déchira en deux.

A son retour de pêche, sa femme Ruataimanu découvrit le drame. Elle décida de partir pour Raiatea avec son mari et pendant les préparatifs du voyage, elle entendit une voix : « Mes chers parents ne nous abandonnez pas, nous partons également avec vous« . Les parents comprirent aussitôt que leur enfant s’était réincarné en un oiseau.

Ils partirent donc tous les trois pour Raiatea.

Plus tard, à Raiatea l’oiseau nommé Nahiti rencontra Tehaupuari’i, la fille de Hiro…

 

La ville et ses nombreux sites archéologiques

Situé à 1.305 m d’altitude, au lieu dit Amurahi, le marae Tuatahi était la propriété de Pomare 1er. Il est dit que son esprit s’envole de ce marae pour se poser à la pointe Outu’ai’ai ou à Tetiaroa. Les incendies de brousse ont toujours épargné ce site pourtant bordé de fougères.

La légende dit que le gardien des lieux est le géant Tuatahi, considéré comme un demi-dieu, mais sans représentation humaine bien définie. Il était difficile de décrire son visage tant ses traits changeaient souvent. Il pouvait même se transformer en boule de lumière pour ses déplacements. Certains disaient l’avoir déjà aperçu, le soir, sur le chemin qui passait devant l’église protestante. Dans un passé plus proche, des contemporains prétendent avoir eu la même vision…:

C’était un géant, debout, en travers du chemin. On pouvait passer sans difficulté entre ses jambes, tant il était grand et poursuivre sa route en toute sérénité, vers la vallée Vaipoopoo, car il vous assurait de sa protection céleste.

Mais s’il restait les jambes bien serrées, sans bouger, il valait mieux rebrousser chemin… Mais rien de belliqueux à cette attitude. Il bloquait tout simplement votre chemin car il pressentait un danger qui vous guettait : un arbre qui allait s’écrouler sur vous, par exemple. Il ne fallait pas, malgré tout, le gruger en tentant de passer par la rivière car, dès lors, il pouvait se montrer irascible voire violent !

On dit ainsi que des touristes en ont fait les frais. Dès qu’ils mirent les pieds dans l’eau, la rivière s’était mise à gonfler et le courant les a emporté.

Le marae Pi’ihoro se trouve en surplomb de la vallée de la Pipine (à la côte 175). Cette petite vallée est située juste derrière la mairie de Arue et compte plusieurs sites archéologiques qui n’ont, malheureusement, pas fait l’objet d’étude approfondie. On y trouve notamment des grottes funéraires et des paepae (plate-formes aménagées par l’homme).

Au fond de la vallée coule la petite rivière Pipine qui s’avère bien souvent sèchement à la saison chaude.

Le marae Ahutoru (ou Teharoi, voire Taputapuatea) est situé en bord de route, juste à côté de l’école du même nom. Derrière se trouve le cimetière des Pomare. Il était initialement situé à l’emplacement actuel de l’école Ahutoru. On trouverait encore quelques pierres du marae éparpillées non loin de la plage.

Le marae Ahutoru a été entièrement reconstitué sur le site où on peut encore le découvrir après que sa démolition ait été ordonnée par Pomare II. Ses pierres auraient été récupérées par un Japonais pour la construction du mur d’enceinte du cimetière royal. Y reposent les dépouilles des rois Pomare I, Pomare II, Pomare III et de la reine Pomare IV. Les tombes sont sobrement marquées par de grosses pierres.

Bien souvent en fond de la vallée et en montagne, les marae sont assez nombreux dans le territoire de la ville de Arue. S’ils prouvent une vie communautaire riche aux temps anciens, ils restent pour la plupart mystérieux.

 

Arue compte également un bon nombre de sources. En voici le recensement :

  • Puputeai – Elle sort des dalles de pierres situées au pied de la falaise de Tahara’a et a été récemment bétonnée…
  • Vaiamo – Au bas de la montagne Titiri, sur la terre de la famille Allain.
  • Vaitorea – Source où se baignent les torea (pluviers dorés), située sur la propriété des Snow.
  • Vaipopoti – source où se baignent les popoti (petits crabes de sable), en face de la propriété des Liauzun.
  • Vaitareua – sur la terre Atitavae’a, en contre-bas du col du Tahara’a où allaient être ipplantés les premiers bassins d’eau du district.
  • Vai’aama – également située à Atitavae’a.
  • A proximité l’une de l’autre, à Ahutoru pour la source Vai’uramata et à Fa’auruava’a pour la source Vainahiti, appelée auparavant Vainaunau (l’eau du désir ou l’eau convoitée) où se baignaient els deux oiseaux Nahiti. Ces deux sources sont, en effet, le théâtre de la légende de Nahiti e rua, l’oiseau en deux parties, l’une vivante et l’autre morte.
  • Vai’ope’a – où se baignent les oiseaux ‘ope’a,
  • Vaitiare – où se trouve les fleurs « couleur flamme ».
  • Vaihi’ohi’oata – Source où les chefs aimaient se mirer à son reflet.
  • Il en est de même pour la source Vaiata, également réputée pour son effet miroir.

 

L’arbre à pain du Bounty

En bord de route, en face de l’école Ahutoru, sur le site de l’ancienne mairie, survit un arbre à pain qui n’est autre que l’une des pousses des originaux apportés par Bligh à la Jamaïque !

La principale mission du Bounty à Tahiti était de prélever des pousses d’arbre à pain pour l’implanter aux Caraïbes afin de servir de nourriture de base bon marché aux esclaves des colonies anglaises…

La révolte fomentée par Fletcher Christian dont l’histoire a été romancée par James Norman Hall, puis plus tard par Hollywood, fit capoter la première expédition. Le capitaine Bligh assura le succès de la seconde.

Le 4 mars 1961, (soit 168 ans après la mission du Bounty) à bord d’un voilier réplique du fameux navire, trois jeunes pousses issues de ces arbres à pain ont été rapportées.

L’une d’entre elles a été plantée par la Société Nationale de Géographie des Etats-Unis d’Amérique dans le district de Arue et à donner un « uru » de bonne taille qui vit toujours.

À son pied, sur une plaque commémorative figure l’épigraphe suivant : « En 1792, le commandant William Bligh de la Marine royale d’Angleterre est venu à Tahiti chercher des arbres à pain pour les transplanter aux Antilles. Son premier voyage en 1787 s’est terminé par un désastre : la mutinerie à bord de son navire la Bounty. Le deuxième voyage a réussi et en 1793, Bligh a débarqué ses plantes aux Antilles. »

 

Les bains du roi et de la reine

Il est situé à proximité de la route qui mène à Erima, dans le premier virage, à droite, après le collège.

Le bain est alimenté par la rivière Puo’oro (ooro : gargouillis) qui alimente également le bain de la reine situé non loin.

L’eau de ces deux bassins y est très claire et la reine Pomare IV avait fait aménager un cabanon dont la toiture descendait jusqu’au sol de manière à rester à l’abri du regard des curieux…

Ces deux sites ne sont pas accessibles par le grand public. Le bain de la reine se trouve aujourd’hui dans l’enceinte de la chaîne de production de l’Eau Royale. L’entreprise a réalisé un aménagement paysager fort bien entretenu tout le long de l’année et qui conserve tout son charme au site. Sur rendez-vous, Eau Royale autorise les visites.

 

Le Tombeau du Roi

Sur le terrain de l’Eglise protestante, le Tombeau du Roi Pomare V avait été érigé, à l’origine, pour recueillir la dépouille de la reine Pomare IV décédée en 1877.

Dix ans plus tard, son corps fut exhumé pour y installer à la place celui du roi Pomare V décédé en 1891.

 

La tombe du pasteur Henry Nott

Elle est située entre l’école élémentaire Ahutoru et l’école maternelle en bord de mer.

Missionnaire protestant de la London Missionary Society, Henry Nott (1774-1844) a été le confident et conseiller principal du roi Pomare II qu’il amena à se convertir.

Il traduisit la Bible en tahitien et rédigea le premier code de lois locales : le code Pomare.

Selon son vœu, il fut inhumé près de la sépulture de Pomare II.

Chaque année, au 5 mars, à l’occasion de la commémoration de l’arrivée de l’Evangile en Polynésie, le maire de Arue, son conseil municipal et des représentants de la famille Pomare, viennent se recueillir sur la tombe d’Henry Nott et sur celle de Pomare II.

L’hommage du 5 mars 2012 a revêtu une couleur particulière puisque la tombe du pasteur venait de faire l’objet d’une restauration et d’un aménagement par l’Eglise de Jésus Christ des Saints des derniers jours.

Les présidents du pieu de Arue, Emile Tama et Iona Manarani ont présenté deux jours avant l’hommage les travaux qu’ils ont effectués aux élus de la ville de Arue, en présence des conseillers mormons de la région Pacifique, messieurs Elder et Watson.

Lors de cette cérémonie Robert Koenig a fait un rappel historique qu’on retrouve ici en intégralité :

« Derrière ces pierres qui nous entourent et semblent inertes, il y a une histoire toujours vivante : cet endroit est important pour tous les Tahitiens. Quel lien entre un maçon anglais, poseur de briques européen et un chef tahitien, héritier et fondateur d’une dynastie polynésienne ?

Henry Nott fait partie des tous premiers missionnaires envoyés par la Société des Missions de Londres. En arrivant dans la baie de Matavai, il y a exactement 215 ans, Nott a 23 ans ; simple maçon sachant à peine lire et écrire, il a une foi à déplacer les montagnes et à parcourir les océans, et un solide bon sens. Il dispose d’une école merveilleuse et flottante : le Duff transformé en école pendant les 7 mois nécessaires pour aller d’Angleterre à Tahiti. Pendant cette très longue traversée Nott apprend, avec ses 30 autres collègues de classe, le tahitien avec les manuels de tahitien de cette époque-là, ceux des vocabulaires des mutins de la Bounty.

Nott apprend la langue tahitienne plus vite que les autres ; il est choisi pour faire le premier sermon en tahitien, le dimanche 16 août 1801.

En 1802 Nott participe au premier tour de l’île missionnaire, du 26 février au 5 avril.

Une génération après la prophétie de Vaita et l’apparition des pirogues sans balancier, trente ans après Wallis, Bougainville et Cook qui jettent les îles du Pacifique dans une autre histoire. Nott est le témoin d’une société déstabilisée qui cherche un nouvel équilibre.

Nott est le témoin direct des guerres civiles qui déchirent Tahiti et Moorea, témoin du désir de puissance des uns et de la révolte des autres, témoin de la vie politique locale et de ses déchirements et retournements. Dès le début Nott s’est choisi un leader politique, Pomare II, et lui reste fidèle, partageant ses victoires et ses défaites. Nott dira : « malgré toutes ses fautes, toute sa tyrannie, c’est une bénédiction pour l’île ».

Pomare est l’élève de Nott, Pomare apprend à lire et à écrire avec Nott. Mais Nott est aussi l’élève de Pomare, Nott apprend le tahitien avec Pomare et Nott veut traduire la Bible avec Pomare. Très vite surgissent de grandes questions : comment dire en tahitien les idées théologiques élaborées sur le mont Sinaï ou au bord de la mer de Galilée ? Et que faire des concepts conçus au pied du mont Tabor lorsqu’on se trouve au pied de Orofena ? Faut-il tahitianiser ? ou hébraïser ? ou néologiser ? Comment faire passer les danses de David et de quelques dames de l’Ancien ou du Nouveau Testament sans qu’elles rappellent les danses traditionnelles devenues païennes ?

Nott est là lorsque Pomare est exilé à Moorea, que Pomare II demande à être baptisé le 21 octobre 1812, quand il est baptisé, le 16 mai 1819 à Arue et, bien sûr, au bord de sa fosse, le 21 décembre 1821.

Témoin de Pomare qui transforme la tradition, celle qui a fondé la culture polynésienne, quand, agent de la modernité, il mange de la tortue et invite des femmes à sa table, quand il brise les tapu qui codifiaient la société traditionnelle. Témoin de Patii aussi, ce 18 février 1815, lorsque ce prêtre de Oro à Moorea décide de jeter les dieux au feu, au grand désespoir de tous, de tous les ethnologues et de tous les collectionneurs passés, présents et à venir.

Nott est le témoin de la naissance d’une nouvelle tradition.

Au lendemain de la bataille de Fei-pi qui fonde le Tahiti des temps nouveaux, Nott définit le nouveau pouvoir de Pomare II. Il écrit en anglais le premier statut du Pays, le traduit en tahitien ; Pomare II en fait son code à lui, et lui donne son nom, Code Pomare de 1819. 5 ans plus tard Nott rédige un nouveau Code, à la base du premier Parlement de Tahiti, lointain ancêtre de l’Assemblée de la Polynésie française. La même année, il couronne Pomare III âgé de 4 ans, ici même à Papaoa, le 21 avril 1824.

Mais la plus grande gloire de Nott, ce n’est pas la politique, mais la traduction de la Bible en tahitien. Travail d’équipe, chacun des missionnaires dans sa station missionnaire, avec ses diacres, bien souvent les prêtres des temps anciens, chacun prenant la Bible par un bout, un vrai tifaifai, et Nott en coud la structure de l’ensemble.

C’est le 18 décembre 1835 à 01 h 35 que Nott finit la traduction de la Bible en tahitien, voilà une belle fête à célébrer à Arue ! Il emmène le manuscrit en Angleterre, le fait imprimer et se dépêche de revenir à Tahiti, c’est à dire à Arue, le 2 septembre 1840.

Mais c’est déjà dans un Tahiti très différent qu’il retourne, comme si Tahiti ne faisait que changer, changer de drapeau, de statut et le royaume devient protectorat.

La fin de Nott est triste, ce n’est pas facile de vieillir à Tahiti et il en entend des remarques ! La plus cruelle, plus personne ne comprend son tahitien des débuts de la Mission tellement la langue tahitienne aurait changé en quarante années ! Que dire aujourd’hui ?

Comment vivait Nott ? à la tahitienne : une maison très simple, un sol de terre battue, une table avec très peu de vaisselle. Il n’en reste rien. Ce n’était pas une maison à visiter, une maison-musée. Maison de Nott, maison de l’être et non pas maison de l’avoir ! Celle que l’on peut encore visiter n’est pas faite de pierres mais de mots, c’est la Bible tahitienne traduite avec Pomare, modèle des Bibles du Pacifique.

Il n’y a donc aucun point commun entre Nott et Pomare à l’origine, entre ce maçon anglais qui débarque à Tahiti et ce chef tahitien aux ancêtres pa’umotu. Mais il y a une rencontre, dont Tahiti a l’étrange secret, une rencontre de différences avec le respect de ces différences. Peut-être y a-t-il ici quelque chose de magique, au bord du lagon de Arue, au pied des collines et des montagnes de Arue qui transforme les maçons et les chefs, qui fait que les hommes deviennent ce qu’ils devaient être et révèle ce qu’ils sont ! »

 

Le musée « Maison d’Illustre » James Norman Hall

L’écrivain américain James Norman Hall (1887-1951) est l’auteur, avec Charles Nordhoff, des Mutinés de la Bounty, de Hurricane et de bien d’autres œuvres dont beaucoup ont été portées à l’écran. Il a écrit la plupart de ses best-sellers dans sa maison de Arue reconnue pour son charme sans nul autre pareil. Elle n’était pas sur l’emplacement qu’on lui connaît aujourd’hui, mais presque en face, de l’autre côté de la route, non loin de la mer.

Construite en bois, la maison a été classée monument historique en juillet 1993, à la demande des descendants de l’écrivain et de la municipalité.

Elle a été restaurée grâce à des fonds de l’Etat et inaugurée le 17 janvier 2002 comme musée.

Si on le connaît pour son œuvre, James Norman Hall a été membre fondateur de l’Escadrille Lafayette, composée de volontaires américains qui se distinguèrent pendant le première guerre mondiale. James Norman Hall s’établit à Tahiti dans les années 20 et y vécut jusqu’à sa mort en 1951.

 

La stèle de Tearapo

Le 8 octobre 1997, une stèle a été dressée devant l’école Ahutoru. Elle commémore Teauna Pouira, dit Tearapo, et son œuvre.

Né en 1902, Tearapo s’est très vite passionné pour les mythes et légendes polynésiens au point d’en devenir un spécialiste et l’un de ses plus célèbres conteurs. Il s’était éteint en 1969.

 

Le point de vue du Tahara’a

Situé au sommet du col du Tahara’a (720 m), le point de vue offre un panorama superbe sur la baie de Matavai, la côte de Arue et au loin Papeete et Moorea dans son entier.

Le Tahara’a est considéré comme la frontière naturelle de Mahina et Arue et a abrité durant des décennies l’un des plus vieux hôtels de Tahiti installé dans un parc magnifique : le Tahara’a construit en 1967. Il allait changer de nom, au cours de son exploitation, pour devenir le Hyatt Regency.

Le site avait très vite été apprécié par les premiers navigateurs comme un excellent observatoire. James Cook avait surnommé la falaise « one Tree Hill » –la colline de l’arbre. Ce qui laisse supposer que déjà, au 18e siècle, le promontoire était bien dégagé, peu pourvu en haute végétation.

Au milieu du vingtième siècle, le Tahara’a n’était alors accessible que par une étroite route où se croisaient difficilement deux véhicules. Les arbres encore jeunes accrochés à la falaise n’offraient pas encore l’aspect vert d’aujourd’hui. La vue s’en trouvait très dégagée tout au loin de la route et le belvédère avait pris le nom de « banc du gouverneur ».

De quel gouvernement s’agissait-il ?

On avance le nom d’Emile de Curton qui gouverna entre novembre 1940 et juin 1941 et dont on dit qu’il appréciait beaucoup le point de vue.

Composé d’une pierre brute, ce banc se trouvait coincé à l’étroit entre la route et le bord du Tahara’a tout proche… Il ne fallait surtout pas rater son virage…

La pointe du Tahara’a est issue d’un volcan secondaire à la cheminée principale de Tahiti. Les éruptions au cours des millénaires, d’abord sous-marines, ont accumulé des couches successives qui ont sorti de l’eau le volcan. Son activité s’est poursuivie, de type explosive, projetant des cendres qui ont continué à constituer des couches grossières (on retrouve même des morceaux du jeune récif s’étant développé sur les flancs du volcan sous-marin). La pointe du Tahara’a est donc constituée de ces couches de roche usées au fil du temps par la mer qui y a creusé des grottes.

Les automobilistes et les marcheurs du col ont sans aucun doute senti cette odeur « particulière » qui persiste à certaines heures de la journée, après le premier virage de la montée du Tahara’a, côté Arue, bien sur.

Certains jugent même l’odeur pestilentielle et elle se montre le plus fort entre 5 et 6 heures le matin et après 17 heures.

Il s’agit, en fait, de la senteur dégagée par les fleurs femelles du bignay (antidesma bunuis), un faux-caféier originaire d’Asie du sud-est introduit à Tahiti dans les années 50. C’est un arbuste qui ne dépasse pas 8 mètres et dont les fleurs, petites et vertes, poussent en grappes. L’odeur est particulièrement forte en décembre au moment de la floraison.

Le bignay est cultivé en Indonésie –particulièrement à Java- et en Indochine. Les baies mûres peuvent être consommées crues, en confiture ou en gelée alors que les jeunes feuilles peuvent être utilisées en salade. Le jus de fruit qu’on tire du bignay est une boisson rouge foncé rafraîchissante.

Mais attention ! L’écorce contient un alcaloïde toxique.

On prête à ce lieu qui est resté longtemps enveloppé d’une nature sauvage, avant la construction de l’hôtel Radisson, des mystères typiques polynésiennes. On y aurait vu sur la plage une dame blanche et un cercueil en feu aurait été aperçu sur le chemin qui permettait le franchissement du Tahara’a au 19e siècle. En venant de Papeete, passer le col du Tahara’a pouvait s’avérer une véritable aventure pendant la saison des pluies. Le ruisseau Vaiavava qui coule au pied de la falaise, côté Arue, était vite en cru et il fallait s’armer de patience avant de pouvoir attaquer le chemin de terre qui menait au sommet. Il est guère large, mais suffisamment pour être emprunté par les calèches.

 

Le bar Lafayette

L’histoire plus récente de la ville de Arue a retenu le nom du bar Lafayette. Construit en 1960, côté montagne, presque en face de l’actuel Radisson, le bar a été le haut lieu des nuits folles de Tahiti jusqu’en 1973.

On s’y rendait après 23 heures, à la fermeture du Quinn’s de Papeete et autres boîtes de nuit pour y continuer la bringue jusqu’à l’aube…

Le site Tahiti Héritage présente dans une de ses pages le témoignage de Charles, un nostalgique de ces soirées hautes en couleurs : « Imaginez une grande cabane, bâtie sur pilotis. Un toit et pas de murs. La brise la traverse, salée lorsqu’elle vient de l’océan, sucrée quand elle a passé sur les jardins alentours. Il est minuit. Pas une table, pas une chaise de libre. L’orchestre composé de guitares, flûtes, calebasses est installé au centre, dans une rotonde. Les danseurs tournent autour. Ils tournent lorsqu’il s’agit de fox-trot, de bostons ou de javas ; mais, pour le upa-upa, on ne tourne plus. On regarde. On regarde les trois ou quatre tahitiennes qui viennent se produire en public.

Le upa-upa est, surtout, une danse du ventre ; mais les gorges et les croupes participent au mouvement. Cela commence sur un rythme très scandé, mais assez lent, qui s’accélère. La danseuse, les cheveux pendant jusqu’aux genoux, les bras frémissants, le torse secoué d’une houle orageuse, les orteils crispés au sol, entre en transe et, finalement, c’est une sorte de possédée qui se débat devant vous. Cette danse est un aphrodisiaque irrésistible.

On dit que l’homme qui emmenait une tahitienne après le upa-upa était volé : la fille avait déjà pris, par sa danse elle-même, tout son plaisir. »

Un ancien marin, autre nostalgique, écrit, plus prosaïque : « il n’y avait pas, là-bas, que des poulettes plutôt de « grosses poules »… »