Ville de Arue – Tahiti

La reconversion du RIMaP-P

 

L’histoire de Arue est intimement liée, dans son volet contemporain, à celle du Régiment d’Infanterie de Marine Pacifique-Polynésie –le fameux RIMaP-P. Après la seconde guerre mondiale, ce bataillon allait s’implanter sur son vaste site de Arue et passer de bataillon à régiment. Il allait grandement contribuer au développement de la commune qui allait justement s’inquiéter de son sort quand, en juillet 2008, l’Etat annonçait officiellement le redéploiement de ses forces armées.

Le 1er janvier 2011, les forces armées de Polynésie française se  regroupaient donc, comme en métropole, en base de défense. Une administration générale, pour un soutien commun interarmées, permet donc de mutualiser, autour d’une seule entité, les moyens et les effectifs. La base de défense dispose d’une autonomie financière et se trouve sous le commandement, en Polynésie française, de l’amiral.

rimapp portes ouvertes arrestationPour le RIMaP-P et son site de Arue, un arbitrage interministériel est revenu sur le calendrier initial d’une dissolution du régiment à l’été 2012. Mais la municipalité n’avait pas attendu pour réagir sur ce qui, par effet domino, allait forcément avoir un impact conséquent sur la vie économique et sociale de son territoire. D’août à novembre 2008, elle initiait et menait une étude d’impact dont les résultats confirmaient ses craintes.

L’effectif du RIMaP-P était alors de 560 éléments (340 permanents pour 220 hommes en mission de courte durée). 106 familles de militaires vivaient à temps complet à Arue et, si l’Armée possède de propres logements, 43 maisons privées étaient louées, à bail, à Arue même. Rien qu’en loyers cumulés, on atteignait la somme de 91 millions Fcfp par an.

De plus, 100 enfants de militaires étaient scolarisés dans les écoles de Arue (5 millions Fcfp de chiffres d’affaires pour les cantines scolaires), 41 au collège de Arue et 60 adolescents au lycée Samuel Raapoto. Le Club Découverte du RIMaP-P faisait plus de 80 millions Fcfp de chiffres d’affaires (principalement en activités et en voyage inter-îles).

L’enquête sur la consommation de ces ménages estimait qu’une famille de deux personnes dépensait 354.000 Fcfp par mois, contre 61.000 pour un militaire du rang en courte durée à Tahiti.
Au total, en cette année 2008, les dépenses des familles militaires sur Arue, et sur l’année, étaient estimées à 445 millions Fcfp.

 

3 hectares à l’Euro symbolique

hervé-morin-philis-schyle-mai-2008En décembre 2008, le principe de cession à la ville de Arue, à l’Euro symbolique, de trois hectares de la caserne Broche était acté. Forte de son étude d’impact, la commune lançait en février 2009 un appel à projets qui recevait près de 200 dossiers. En juin 2010, on annonçait pour août de la même année la cession de la première parcelle de terrain (12.341 m2).

En février 2011, le colonel Pascal Langard, chef d’état-major des armées en Polynésie française, déclarait que l’armée de terre allait perdre 422 personnels d’ici à 2020 –soit 72 % de son effectif du moment.

Concernant la caserne Broche de Arue, il précisait que « la cession d’une partie du terrain du camp de Arue à la commune est actuellement retardée à cause de problèmes administratifs. Dans le cadre du regroupement des soutiens, le camp de Arue va être effectivement sollicité pour accueillir une partie de ce regroupement, notamment en matière de transport terrestre, de maintenance des véhicules militaires de l’armée de l’air et de la marine nationale. »
À Arue, « il est prévu que vienne s’installer un groupement pro-terre, au sein duquel restera une petite unité élémentaire de volontaires de recrutement local. Cela permettra ainsi de faire perdurer la compagnie des « sauvages » de Taravao.
Avec la compagnie de réservistes, il y aura donc trois compagnies sur place. »
Pour « le glissement » du Groupement du Service Militaire Adapté vers le camp de Arue, le colonel assurait qu’il arriverait à terme en 2013.

350 GSMA viendraient ainsi compenser le départ des 422 personnels de l’armée de terre. Deux mois plus tard, se tenait à la caserne Broche la commémoration du 70e anniversaire du départ du Bataillon du Pacifique qui allait s’illustrer à Bir Hackeim, en Lybie, de mai à juin 1942.

70-ans-bataillon-paciifque-défilé2Lors de cette cérémonie d’avril 2011, le colonel Jean-Marc Ozenne confirmait que l’effectif de 600 hommes -en incluant le personnel civil- allait passer à moins de 300. « Dès cet été, à 250. Puis durant l’année 2012 à 138. Les civils qui resteront seront intégrés dans les compagnies, comme la maintenance, la logistique… Mais à partir de 2012, il n’y aura plus de civils au RIMaP-P. Il ne restera qu’une unité de combat. »
Le site militaire accueillera donc cette unité de combat, le GSMA, le service de santé des Armées, le centre d’information et de recrutement des forces armées et les deux compagnies venues de France.
« Nous sommes dans le mouvement de l’Histoire. »

 

Un projet de zone d’activités économiques

Le haut-commissaire Richard Didier effectuait, en mai 2011, une visite de Arue et parlait, principalement de la reconversion des trois premiers hectares concédés à la municipalité. Il se félicitait du choix des élus d’inscrire cette zone très bien située dans un schéma de développement économique, et non pas comme une simple réserve foncière communale.

 

plan reconversion site rimapp - copie 2

Le bureau d’études SNC Pae Tai Pae Uta a réalisé un plan de zonage, en tenant compte des vœux de la municipalité, à savoir, faire de ses trois premiers hectares une véritable zone de vie. La rivière qui fait office de frontière avec le reste de la caserne pourrait ainsi être longée d’un parcours piétons arboré. Les quartiers à l’Est de ce site devraient bénéficier d’un désenclavement par la prolongation de la route ouverte du côté de la laiterie Sachet et des services techniques communaux. Si le semi-industriel et l’industriel restent privilégiés à l’arrière du site, une zone dévolue aux commerces s’ouvrirait en bord de route de ceinture pour rendre le site vivant.

Arue entend rester propriétaire du lieu pour s’assurer de sa destination et en suivre le développement futur. La ville viabilisera donc les lots à louer qu’elle mettra à disposition des entreprises retenues avec un fort intérêt porté à celles qui ont comme credo le développement durable.

Une route d’accès a déjà été construite sur fonds propres de la municipalité, à hauteur de 6 millions Fcfp, et débouchera sur la partie Est de la zone.

Une remise prévue pour fin 2012…

mai-2011-présentation-projet-au-hc---copieLe projet progressif de retrait des forces armées en Polynésie française suivait son cours. L’objectif restait de réduire les effectifs de l’Armée de 900 personnes d’ici à 2020. Parallèlement, le commandement supérieur s’engageait à créer 320 postes supplémentaires au sein du Groupement du Service Militaire Adapté transféré à Arue.

L’Etat s’engageait également à apporter 714,5 millions Fcfp dans des projets de reconversion des sites militaires et le Pays 500 millions Fcfp, -les communes participant sur fonds propres pour, bien évidemment, les opérations les concernant.
À Arue, l’emprise foncière « libérée » sera de 28.000 m2 et le calendrier présenté en fin d’année 2011 par les forces armées prévoyait cette remise à notre ville pour l’année 2012…

Nommée « Projet 8 », la reconversion concernera, selon les termes employés par l’Armée « la réalisation d’une zone d’activités économiques. La Corne Nord, environ 2,8 hectares, va être cédée à la commune.
La commune souhaite reconvertir la totalité de l’emprise du RIMaP-P libérée en une zone d’activités économiques.
En 2009, la commune a réalisé un appel auquel 200 porteurs de projets ont répondu. La place sera donc donnée en fonction de la solidité financière et du potentiel de création d’emplois. Des entreprises de stockage, de production, des bureaux, des commerces devront succéder aux militaires. La mairie a déjà fait ses plans et espère créer une véritable « zone de vie » en réaménageant les berges avec des espaces verts entre les bureaux. Coût estimé : de 100 à 150 millions Fcfp. »

 

Juillet 2012, création du Détachement Terre de Polynésie

Le 19 juillet 2012, une nouvelle page de l’histoire du RIMaP-P se tourne. Dans le cadre de la réorganisation des forces terrestres, les éléments maintenus du RIMaP-P constituent désormais le Détachement Terre de Polynésie/ Régiment d’Infanterie de Marine du Pacifique – Polynésie (DTP/ RIMaP-P).

Ce nouveau corps conserve l’ensemble des attributs et surtout l’esprit des Tamarii Volontaires du RIMaP-P. La transmission de cet héritage a été symbolisée par la remise du drapeau du RIMaP-P par l’amiral, commandant des Forces armées, au lieutenant-colonel Philippe Chauvel, nouveau chef de corps du DTP/RIMaP-P.

Réduit à quatre compagnies, dont une de réserve, le DTP/RIMaP-P continue d’assurer les missions d’assistance aux populations en cas de catastrophe naturelle, de protection du territoire, de surveillance des anciens sites d’expérimentation du Pacifique et de souveraineté de la France dans l’océan Pacifique.

Une lettre de relance à Bercy

En août 2013, devant l’absence d’évolution du dossier de la rétrocession aux communes concernées, Pirae, Mahina et Arue ont décidé de passer à la vitesse supérieure. Ce qui apparaît pourtant acquis rencontre un blocage que les principaux concernés ne s’expliquent pas. Si du côté des ministères de la Défense et de l’Outre-mer, on ne freine aucunement à la rétrocession au franc symbolique desdits terrains, du côté du ministère du Budget, le dossier n’avance pas depuis deux ans et sans qu’une seule explication ne soit donnée aux maires.

Il y a d’autant plus d’urgence que la mise en application du décret du Contrat de Réhabilitation des Sites de Défense expire au 31 décembre 2014.

Conjointement, les maires de Pirae, Mahina et Arue ont donc décidé d’adresser un courrier au ministère du Budget pour obtenir des explications claires et précises quant à une éventuelle pierre d’achoppement sur la rétrocession des terrains aux communes. Si une réponse négative –voire aucune réponse- est formulée à la suite de cette lettre, les maires saisiront le Conseil d’Etat en référé.

L’arrêt du processus semble d’autant plus incompréhensible que sur 25 projets de CRSD dans le territoire français, 22 ont été validés (y compris en Outre-mer). « On a l’impression qu’il y a deux poids, deux mesures. » soulignait, mi-août 2013, le maire de Arue qui a rappelé que, très tôt, ses services ont établi un plan de développement économique de la zone rétrocédée, unanimement salué par les haut-commissaire et les responsables locaux des forces armées… Un début d’explication peut se trouver dans des notes de l’inspection générale des finances (notamment signées par Anne Bolliet) d’octobre 2010 et de septembre 2011. On y met en exergue que les communes de Polynésie française n’ont pas compétence en matière de développement économique (dévolue au Pays) et ne peuvent donc pas bénéficier de cession de terrains militaires à l’euro symbolique. Or, beaucoup de projets de reconversion de sites ne sont pas à destination économique. On trouve ainsi un projet de musée à Taiarapu, un lotissement agricole à Faa’a et des logements étudiants ou intermédiaires cité Grand (actuellement à l’abandon), à Pirae.

Le second argument de l’Inspection générale des finances va à l’insuffisance des ressources financières de communes concernées. Elle propose donc la création d’un opérateur associant Etat, Pays et communes à qui serait attribué les terrains militaires. Or, une telle solution entraînerait de facto une modification de la loi de finances de 2009. Avec une date butoir à la fin de l’année 2014, un tel retour à la case départ fait craindre le pire. Passé ce délai, l’Etat pourrait vendre ses terrains militaires. Au nombre d’hectares disponibles et étant donné leur situation géographique, la plus value serait conséquente pour l’Armée… Rien que le seul hectare rétrocédé à Arue est estimé à 300 millions Fcfp.

« On a l’impression que France Domaines veut jouer la montre », déclarait en août 2013 Philip Schyle. « Il ne s’agit pas de partir en guerre contre l’Etat, mais de sortir de cette léthargie. Nous demandons que la loi soit appliquée. » Les parlementaires polynésiens du Sénat et de l’Assemblée nationale seront également sollicités pour le dépôt d’une question écrite au gouvernement.

Lors de sa visite de la ville de Arue, le 18 février 2015, le haut-commissaire Lionel Beffre a appris aux élus que le dossier trouverait une issue dans l’année. Deux voies s’ouvriraient aux choix : la création d’un syndicat mixte entre le Pays, les communes et l’Etat, pour le développement des sites concernés, ou la possibilité pour le Pays d’octroyer cette compétence aux communes par une loi du Pays.